Catherine Latzarus


Language

French

Nationality

Française

Country of Residence

France

Year of birth

1961

Year(s) in which you received lessons from Gustav Leonhardt

1983-1984

The lessons were

As a guest student at the Conservatorium van Amsterdam (Amsterdamsch Conservatorium, Sweelinck Conservatorium)

In public masterclasses as a player (participant)

In this area, you can describe your lessons with Gustav Leonhardt in any way you wish.

Je suis née à Strasbourg, une des premières villes de province en France à avoir créé au Conservatoire National deux classes de clavecin au cours des années 1950. J’étais en classes musicales à horaires aménagés, et j'ai débuté le clavecin à l’âge de neuf ans en 1970, après six années de piano. Le Conservatoire avait déjà développé un département de musique ancienne très conséquent. Pourtant, il n'y avait que des clavecins d’esthétique moderne des années 1950; des copies de clavecins anciens n’ont été achetées qu’en 1972-73. C’est un hasard que d'avoir bifurqué vers le clavecin: mon professeur avec qui j’avais travaillé en cours particuliers entre mes trois et sept ans était excellente, puis il s’est avéré que les professeurs du Conservatoire n’avaient pas le même niveau. Le directeur a proposé à mes parents que je change d'instrument; puisque je désirais absolument jouer un clavier, Madame Candau m'a accueillie dans sa classe et m'a fait aimer le clavecin. Je tiens à saluer ici Agnès Candau, qui se rendait à Paris tous les quinze jours pour assister aux cours d’Antoine Geoffroy-Dechaume, musicologue et organiste passionné de musique ancienne. Entre deux séances de conférences, il fouillait, défrichait les traités d’interprétation et partageait ses trouvailles. Ainsi, Agnès Candau revenait à Strasbourg enthousiasmée par ce qu’elle avait appris à Paris. Et si, au cours d'une leçon, il était nécessaire de m'informer, par exemple, de la différence entre la lecture d'un rythme et la manière de le jouer, elle a su faire passer les informations par l'écoute au lieu de me citer des extraits de traités musicologiques, ce qui aurait été indigeste pour la petite fille que j’étais. Elle me racontait, démontrait, me faisait entendre qu’avec tel ou tel phrasé, inégalisation, doigté, la musique devenait encore plus belle. Alors que je grandissais Agnès Candau m’a indiqué des sources, bien entendu, mais n’ayant pas de goût pour la musicologie, je n’ai jamais éprouvé la nécessité d’aller lire les traités de A à Z. Je l’avais crue sur parole en quelque sorte! Je n’ai pas trop tendance à chercher moi-même dans les sources, et j'ai toujours ce complexe par rapport aux musiciens qui sont des puits de science. Je les admire beaucoup, mais on n’est que ce qu’on est. Depuis quelques années je me console de ce déficit, car j'estime que j'ai eu beaucoup de chance de pouvoir apprendre à jouer d'un instrument en étant ” historiquement informée “, comme le résume cette formule à la mode si rebutante et prétentieuse, par le simple apprentissage de la sensibilisation aux goûts et aux styles. Baccalauréat et médailles d'or en poche, je suis rentrée à dix-sept ans au CNSM de Paris, d’où je suis ressortie avec mon prix en 1981. J’ai travaillé régulièrement en parallèle avec Huguette Dreyfus en stages, ou en cours particuliers chez elle, au fil de mes années d’études. Je m'entendais très bien avec cette femme brillante et pétillante qui m'a beaucoup appris sur l'exigence, la technique et le métier. À Strasbourg, l'AMIA, association qui invitait les meilleurs musiciens confirmés ou à l’aube de leurs carrières jouant sur instruments d'époque, avait fait venir Gustav Leonhardt. C’est lors d’un concert que j'ai eu un véritable coup de foudre pour sa sonorité chatoyante et puissante. Certes, à l’époque j'aimais "l'école française" comme on dit, pour tout ce qu'elle avait mis en œuvre pour faire connaître le clavecin. Mais j'avais conscience d'un frein, et cherchais comment avoir plus de souplesse, comment faire résonner le clavecin, faire des nuances, modeler le clavier. C’est donc quelques années plus tard que, grâce à Gustav Leonhardt, j'ai découvert comment y parvenir. J’avais rencontré Gustav Leonhardt à Strasbourg et avais pu lui jouer “un petit quelque chose”, comme on dit, grâce à une de ses connaissances. Il m’a alors invitée à Cologne chez Freifrau von Pechmann, qui organisait des masterclasses chez elle ; j’ai participé à deux d’entre elles aux printemps 1982 et 1983, dont l’une était sur les variations Goldberg. Au cours de la saison 1983, Gustav Leonhardt dirigeait le “Couronnement de Poppée “ de Claudio Monteverdi à Nancy. Je rêvais de pouvoir travailler plus régulièrement avec lui, mais il se disait qu’il y avait quatre ans d’attente avant qu’une place ne se libère dans sa classe au Conservatoire d’Amsterdam. Malgré cela, j’ai voulu tenter ma chance; j’ai réussi à trouver dans quel hôtel il logeait, et un après- midi je l’ai appelé. Très intimidée mais confiante, j’ai posé LA question: “Accepteriez-vous de me prendre comme étudiante? ” A-t-il été interloqué de mon audace? Je ne le saurai jamais, mais toujours est-il qu’il m’a répondu, “Vous avez de la chance, Catherine, car je viens à l’instant de recevoir un appel d’Australie de quelqu’un qui se désiste pour l’année prochaine, je vous donne sa place. Vous serez ‘guest student’ au Conservatoire d’Amsterdam, vous viendrez à la maison, et vous n’aurez pas à suivre les autres cours au Conservatoire. Ce sera un plaisir que de vous donner quelques conseils.” Et voilà, j’avais 23 ans, j’étais aux anges! J'ai bénéficié d'une dizaine de leçons au cours de l'année scolaire 1983/84, une par mois, les après-midi, chez lui au 170 Herengracht. J’apportais de nouvelles pièces à chaque leçon. J’avais demandé s'il souhaitait que je lui rejoue quelque chose à la leçon suivante, mais il m'avait répondu que ce n'était pas nécessaire, que je trouverai et mûrirai moi-même au fil du temps. J'avais l'habitude de ce rythme de travail, car au CNSM de Paris nous avions le même, une nouveauté pour chaque semaine, mais les cours ne duraient pas longtemps là-bas au contraire de ceux de Gustav Leonhardt, chez qui les leçons avaient une durée moyenne de trois heures. Ses élèves se souviendront qu'il nous attendait à une deuxième porte d'accès intérieur de sa maison. À chaque fois en sonnant, je me promettais de le faire sourire durant le court laps de temps nécessaire pour parcourir la distance entre la première porte et la seconde. Gustav Leonhardt avait l'œil souriant, accueillant, le regard franc et direct. Cependant il arborait une posture imposante et une voix et poignée de main un tantinet froides, et je voulais nous détendre pour pouvoir jouer à l'aise pendant la leçon et lui montrer, sans flagornerie, ma joie de pouvoir travailler avec lui. Les leçons avaient lieu dans son immense salon, sur le clavecin du côté des fenêtres donnant sur le jardin. Leonhardt s'asseyait de l'autre côté du salon dans un grand fauteuil qui lui donnait - s'il en était besoin! - un air royal. Je lui annonçais le programme de l'après-midi et, sans un mot, sa tête penchée vers sa droite, son coude posé sur l'accoudoir, il ouvrait sa main vers le haut et avançait l'avant-bras dans ma direction pour que je commence à jouer. Son écoute était puissante, attentive, perceptible, ce qui était très porteur. À chaque début de leçon j'ai éprouvé la même tension l'espace de quelques instants, car j'avoue qu'il m'a toujours été plus facile de jouer, par exemple, un concerto avec orchestre dans une grande salle que d'assumer un programme seule devant une seule personne, et en l'occurrence ce grand musicien et grand maître qu'était Gustav Leonhardt, si généreux de sa musique, jamais cassant, jamais condescendant. Leonhardt m'a appris à me dépasser, m'a donné à éprouver pendant ces leçons la nécessité d'être, au travers de l'œuvre jouée, entièrement "au gouvernail", c'est à dire de me faire assez confiance pour exprimer la musique avec une concentration telle que le cœur puisse parler. C'est principalement à travers la musique de Jean Sébastien Bach (je lui ai joué une ou deux partitas, deux suites anglaises, quelques préludes et fugues, le concerto en ré mineur…) qu'il m'a appris à avoir la conscience de chaque voix, à donner la parole à chacune dans une globalité quasi orchestrale. Pour être précise, ce n'est pas lui qui l'a formellement exprimé, c'est ce que j'en ai conclu et cela m'a libérée lorsque j'ai eu à donner des récitals. Car à ces occasions j'étais “en compagnie" de la musique et non plus seule. Après que j'aie terminé de jouer une pièce je me tournais vers lui attendant son commentaire, qu’il donnait en français. Il gardait toujours le silence quelques instants, le temps de formuler ce qu'il pensait, ou bien de me questionner sur mon degré de satisfaction, me laissant exprimer ce dont je pensais manquer. Il m'aiguillait, me demandant parfois de rejouer en étant attentive à tel ou tel élément, ligne ou détail. Puis venait le moment tant attendu! Tout en me disant, " permettez que je vous montre", il se levait de son fauteuil, très alerte, et venait vers le clavecin. Je me plaçais alors debout au niveau de la joue du clavecin et ouvrais grand mes yeux et mes oreilles, car c'était à ces moments, quand il prenait le clavecin en main, tout en me détaillant par ses commentaires parlés ou chantés, ou tendant son nez pour indiquer ce qu'il fallait écouter sans avoir besoin de s'arrêter de jouer, comment donner du relief, partageant le secret de son surlié, de ses articulations plus ou moins infimes, subtiles, des touchers, des substitutions, du chant intérieur...que j'ai compris, intégré et ainsi accédé à ce que je cherchais! Je regardais ses mains mais aussi son visage, tant il devenait expressif pendant qu'il jouait. Il me décodait l'écriture de Bach, la polyphonie cachée, les figures ornementales intégrées dans la ligne mélodique, l'importance des voix centrales, l'importance cruciale de conduire la basse tout du long de son discours. C'était beau de le voir ressentir l'émotion d'un intervalle inattendu, d'une modulation, enfin tout ce qui démontre du génie de cet immense compositeur joué par cet immense interprète. Tout prenait vie! L'agogique, le rubato, la liberté totale de dire, de chanter sur un tempo des plus stables. J 'ai toujours eu le rythme "dans la peau", et grâce à Leonhardt j'ai découvert la liberté d'une danseuse. J'ai commencé à oser le lent, le large, car j'apprenais comment faire durer le son, garder le plein, me servir de l'incroyable palette des possibles pour transformer - surtout en musique française - les agréments en vibrato, s'intégrant sans heurt ni relief dans la ligne du chant, le subtil décalage des voix pour souligner une intention. Je n’ai travaillé que sur le clavecin de William Dowd qui se trouvait au salon. En ce qui me concernait, c’était mieux que de passer d’un clavecin français à un modèle italien ou un allemand XVIIe ou XVIIIe. J’ai ainsi pu approfondir les touchers correspondant aux différents répertoires, car, par exemple, imiter le croustillant d’un clavecin italien est une gageure sur un clavecin français. Sur le clavecin du salon, une copie d’après Blanchet d’un instrument français du XVIIIe, j'ai testé l’empoignade du clavier pour jouer un prélude de J.H. d’Anglebert, une toccata de G.Frescobaldi...puis la délicatesse du toucher pour les préludes de “l’Art de toucher le clavecin” de François Couperin, ou la virtuosité pure et simple pour une sonate Wurtembergeoise, un rondeau ou un concerto de Carl Philipp Emanuel Bach. En somme, tous ces touchers dont on se sert simultanément ou alternativement pour un tombeau de Froberger, du J.S.Bach ou du J.Ph.Rameau, ou des tardifs comme Jacques Duphly, que ce soit pour une pièce solo ou un concerto. Leonhardt l’avait-il compris ? Je suis kinesthésique. J’avais les bases théoriques des styles et des époques, j’avais les outils ; au cours des leçons il ne m’a jamais parlé de traités en tant que mode d’emploi. Il m’a montré ses livres d’art posés sur sa table près de la cheminée, de peinture, mobilier, jardins et autres. Il m’a montré ses transcriptions, nous avons eu une discussion à propos de “La Vérité” d’une interprétation, si fugace, mouvante selon d’où l’on vient, de sa culture, de son pays, de son tempérament, de son âge... Il m’a rassurée, confortée dans ce qui n’était ni une posture intellectuelle, ni conscient, ni rien de tout cela, dans l’idée que je ferai mon propre chemin sur des bases acquises dès mon plus jeune âge et que ce bagage évoluerait la vie avançant. Quel beau cadeau, n’est ce pas? Donner confiance, rien de plus précieux ... L’après-midi passait ainsi, entre jouer et parler. Je me souviens d’un "truc" dont il m’avait fait part : quand on se sent prêt à jouer une œuvre en public, on peut, chez soi, la jouer une ou deux fois en projetant son écoute jusqu’à la pointe du clavecin, cela change la perspective et permet de vérifier si ce que l’on veut exprimer passe la barre du soi-même ; il s’agit de l’aura en somme. Et puis à propos du par cœur, il ne voyait absolument pas pourquoi s’infliger ce stress alors que les facsimile, ou même les éditions modernes, offrent à regarder la beauté du dessin de l’écriture et cela renouvelle à chaque fois les idées d'interprétation; le par cœur fige tout, estimait-il. Lui-même avait une belle écriture d’ailleurs, et recopiait ses programmes afin d’éviter au maximum les tournes de page et d'alléger sa valise. Je n’ai gardé que deux souvenirs d’oppositions de vues: l’une quand je lui avais joué la pièce “La Forqueray” d’Antoine Forqueray avec beaucoup d’exubérance, de feu, et qu’il m’a reproché d’être trop extravertie. J’ai osé lui avancer l’idée que Forqueray avait un caractère fort. "Oui”, m’a-t-il dit, “mais ce n’est pas une raison pour manquer de distinction et la retenue typiquement française du dix-huitième siècle." Ahh c'est certain, j'étais une jeune fille du 20e siècle ...mais je n'ai jamais oublié cette remarque. L’autre fois a été quand j’avais évoqué mon grand intérêt, voire passion, pour d’autres musiques plus tardives que J.S.Bach. J’ai tenté timidement le plus proche en dates : Mozart, par exemple? En réponse il s'est positionné très fermement : "Au-delà de la date de la Révolution française, rien ni personne n’a plus démontré autant de génie, d'intelligence que les compositeurs des XVIIe et XVIIIe siècles! Après, tout est facile et... ohh cette émotion débordante!" J’ai quand même osé lui répondre que chaque époque a ses génies, ou en tous cas des compositeurs phares et très émouvants, comme Schubert par exemple? Il n’a pas du tout acquiescé, balayant l’air d'un revers de main ... sujet clos. J'ai souri intérieurement, étant touchée par cette passion exclusive qu'il avait pour “sa” musique. Pour ma part je n'ai jamais pu me passer de la musique composée bien après celle de Jean Sébastien Bach! Après la leçon il est arrivé que l’on monte tout en haut de sa maison, dans la pièce où il y avait le clavecin de Skowroneck. Il s’asseyait et me demandait de lui donner des noms de compositeurs sur les styles desquels il improviserait. Il avait une aisance telle qu’il donnait l’impression de s’amuser. Je proposais d’Anglebert, il inventait un prélude libre, puis il proposait lui-même Louis Couperin pour me faire entendre les différences. Ou Sweelinck ? Il se lançait dans un ricercare à je ne sais combien de voix. Il m’a aussi emmenée voir l’orgue de la Nieuwe Kerk à Amsterdam dont il était titulaire et m’en a fait une démonstration complète. Une autre fois il m’a demandé de l'accompagner pour être aux changements de registres d’un orgue sur lequel il donnait un récital en dehors d’Amsterdam. Je n’avais jamais fait cela de ma vie ! J'ai dit oui, être aux premières loges était exceptionnel! On y a été avec sa voiture … une petite voiture de sport rouge Ferrari, il adorait conduire ce bijou et apparemment il aimait la vitesse! Là aussi j'ai souri, car j'avais remarqué, les fins d'après-midi d'hiver, que les appliques de son salon avaient des ampoules de 15w, sans doute pour ne pas éclairer plus que des chandeliers. Un homme de contrastes, donc. Aussi la générosité et simplicité du couple Leonhardt me revient en mémoire, car un jour, ma leçon s’étant terminée tard, j’avais raté le dernier train. L’auberge de jeunesse affichait complet et, un peu perdue, je suis retournée chez eux. Sa femme m’a ouvert la porte et m’a proposé de loger chez eux. On a dîné tous les trois dans la cuisine entièrement carrelée de faïences de Delft et j’ai dormi dans le lit clos de cette pièce. Ainsi je garde de cette année un excellent souvenir, ou devrais-je dire d’excellents souvenirs. A cette époque j’enseignais déjà depuis plusieurs années. Dire que consciemment je me suis inspirée de son enseignement serait faux. Certes, mon jeu, mon son, mon toucher avaient beaucoup évolué, et comme je crois beaucoup à l’exemple en jouant pendant les cours, forcément mes élèves ont adhéré à cette manière d’appréhender le clavecin, mais ni eux ni moi-même n’en avions pleine conscience. Avec le recul je m'aperçois que j’ai procédé de la même manière qu’Agnès Candau, que je suis restée dans sa lignée : faire découvrir la beauté de la musique afin de susciter le désir de l’élève à la servir du mieux qu’il peut. Cela permet de développer l’aisance corporelle, la concentration, l'écoute, les articulations, les phrasés, l’inégalisation, les tempi justes... Je crois que la base indispensable pour apprendre n’importe quel instrument est d’avoir le sens du rythme, et que tout le reste - la technique, le style - se pose dessus. Par la suite, après cette année très enrichissante qui a marqué une étape cruciale dans mon travail d'interprète, oui, nous nous sommes croisés en France, lorsque Leonhardt venait donner des récitals. C'était un plaisir que d’aller le saluer: "Oh Catherine, vous étiez là, comment allez-vous?" disait-il avec un regard souriant et attentif. Très timide il était et très timide je suis; c’est par un regard échangé de quelques secondes qu'il comprenait mon admiration, et pour ma part, que je comprenais qu’il m'appréciait. Quelques mots, un regard, un sourire et …”à la prochaine fois”. C’était un mutique mais une personnalité bouillonnante, dans une posture totalement maîtrisée lorsqu’il ne jouait pas. Je lui ai envoyé mes enregistrements solo, et à chaque fois il m’a répondu par une carte avec des mots qui m’allaient droit au cœur. La musique française est mon univers, je m’y sens parfaitement à l'aise - lors de mes cours avec Leonhardt j’avais joué des œuvres de J.Ph.Rameau, les huit préludes de “l'Art de toucher le clavecin” de François Couperin, Forqueray, d'Anglebert, Duphly, entre autres - alors que dans certaines œuvres pour clavecin solo de Jean Sébastien Bach j’ai toujours cherché, je n’ai que rarement été satisfaite de ce que j’en faisais, le monument me paraissait trop grand. J’avoue que ce n’est qu’après son départ que je me suis sentie comme libérée d’une oreille qu’il aurait eue sur ce que j’en faisais, pas tout à fait satisfaite, du trop ou du pas assez, je n’en sais rien...c’était purement subjectif bien entendu! Comme un poids du Maître, quelque chose d’à peine perceptible dont je ne me suis rendue compte qu’après son décès. Je ne sais pas pourquoi il y a eu cette empreinte-là pendant ces années, et seulement pour certaines pièces que je n'avais pas forcément travaillées avec lui ...mais je ne dois pas être la seule, il a marqué plusieurs générations d’interprètes. À l’heure actuelle, quatre générations après la sienne, mes élèves ont encore et toujours une admiration sans bornes pour lui et pour tout ce qu’il a révélé de l’univers baroque. Tous les imaginaires, toutes les beautés sont souhaitables, mais il y a quelque chose de pérenne que cet immense artiste nous a laissé en héritage : rendre cette musique vivante, colorée, nuancée, émouvante. C’est un socle, un tout, et le reste n’est que déclinaison, évolution de la vie de l’Art en somme, et c'est tant mieux.

Curriculum Vitae

Catherine Latzarus est née à Strasbourg et y a fait son parcours musical jusqu'à son entrée au CNSMD de Paris. Son prix obtenu, elle poursuit ses études auprès d' Huguette Dreyfus. Puis, admise dans la prestigieuse classe de Gustav Leonhardt au Sweelink Conservatorium d'Amsterdam, elle se perfectionne auprès de lui pendant une année. Catherine Latzarus s'installe à Annecy, enseigne au Conservatoire de Chambéry et collabore à la création de l'Orchestre des Pays de Savoie. Elle a été l'invitée de Reinhard Goebel et son orchestre Musica Antiqua Köln pour jouer un concerto de Mozart. Avec Emmanuel Krivine et l'Orchestre National de Lyon elle interprète, entre autres, le cinquième concerto Brandebourgeois de J.S.Bach, les concertos de Francis Poulenc et Manuel de Falla. Catherine Latzarus a été directrice artistique, en collaboration avec « Les Grands Interprètes », de trois saisons de concerts de musique baroque à l'Opéra de Lyon. Elle a été invitée par le Festival d'Ambronay à être l'assistante de Ton Koopman pour l'Académie Baroque ( Samson de G.F.Haendel). Son enregistrement de l'intégrale de l’œuvre pour clavecin de J.Ph.Rameau a été salué unanimement par la critique en France (4ffff de Télérama, 10 de Répertoire) et la critique internationale. Ont suivis les enregistrements de l'intégrale de L.N.Clérambault, puis d'un CD de pièces de J. Duphly (4ffff de Télérama et Diapason d'or). Son intérêt pour les croisements de genres s'est concrétisé par un CD « Flamenco Barocco » alliant des sonates de D.Scarlatti à la musique flamenca de tradition orale. Le spectacle avec danseuse flamenca avait été donné dans le cadre du Festival d'Ambronay et tourné plusieurs années en France et en Europe. Ses enregistrements avec diverses formations de chambre sont nombreux tant en France qu'à l'étranger. Catherine Latzarus est professeur de clavecin, ainsi que coordinatrice du Département de Musique Ancienne, au CRR de Lyon depuis 2007. Actuellement elle partage sa vie entre l'enseignement qui la passionne, les concerts, et la création dans un domaine tout autre que la musique: les luminaires.